Libre cours à l'innovation : Soins de santé excellents pour le Canada – Résumé

Le 24 juin 2014, la ministre de la Santé du gouvernement du Canada, l'honorable Rona Ambrose, a lancé le Groupe consultatif sur l'innovation des soins de santé. Le Groupe a été chargé de cerner les cinq domaines d'innovation les plus prometteurs, au Canada et à l'échelle mondiale, qui offrent la possibilité de réduire la hausse des dépenses en soins de santé tout en entraînant des améliorations au niveau de la qualité et de l'accessibilité aux soins. On a également demandé au Groupe de proposer des mesures qui permettraient au gouvernement du Canada, de soutenir l'innovation dans ces cinq domaines.

Depuis, le Groupe consultatif sur l'innovation des soins de santé est en processus plus ou moins continu d'apprentissage et de délibération. Au cours de ses travaux, le Groupe a reçu de nombreuses présentations d'organisations et de particuliers. Il a tenu des consultations en ligne, parcouru le pays aux fins de discussions en personne avec une vaste gamme d'intervenants, examiné la documentation et commandé des études de recherche. Le Groupe a aussi parlé avec des experts de la politique en matière de soins de santé à l'échelle nationale et internationale. Les interactions du Groupe ont à maintes reprises souligné deux points.

D'abord, dans la lignée des sondages indiquant que les Canadiens s'inquiètent de l'état de leurs systèmes de soins de santé, le Groupe a entendu des commentaires de nombreux intervenants qui voient le besoin de changements fondamentaux dans l'organisation, le financement et la prestation des soins de santé.

L'examen du Groupe a laissé entendre que les préoccupations à cet égard étaient bien fondées. Bien que les systèmes de soins de santé demeurent une source de fierté nationale et fournissent d'importants services à des millions de Canadiens chaque semaine, l'étendue de la couverture publique des systèmes de soins de santé est restreinte et le rendement général par rapport aux normes internationales est médiocre, et ce, alors même que les dépenses sont élevées comparativement à celles de nombreux pays de l'OCDE. Le Canada semble aussi perdre du terrain dans les mesures du rendement par rapport aux pays semblables.

Ensuite, des îlots de créativité et d'innovation extraordinaires parsèment le paysage des soins de santé au Canada. Des programmes locaux, régionaux et même provinciaux dignes d'être imités n'ont tout simplement pas été déployés à grande échelle dans l'ensemble du pays.

De nombreux obstacles à un déploiement à grande échelle efficace ont été relevés par les intervenants. L'absence de financement dédié ou de mécanisme permettant de favoriser l'innovation systémique était l'une des principales difficultés. De plus, la nature fragmentée du système, caractérisé par des budgets et des responsabilités distincts pour différents groupes et secteurs de fournisseurs, est apparue comme le plus important obstacle structurel aux nouvelles initiatives de réforme et au déploiement à grande échelle efficace des idées et des programmes bien mis à l'essai. Il s'agit d'un point faible qui semble faire partie d'un cercle vicieux, se traduisant par un déploiement lent et une utilisation incomplète de la technologie de l'information moderne.

Le Groupe a en outre observé que les systèmes de soins de santé au Canada semblent mal préparés à réagir aux divers changements de contexte. Les patients exigent de pouvoir participer davantage à leurs propres soins et à la conception des programmes de soins de santé. À mesure que la population vieillit, une importance accrue sera accordée à la prestation ininterrompue de soins multidisciplinaires dans divers établissements, le lieu de résidence d'un patient n'étant pas le moindre. La révolution numérique continue de bouleverser de nombreuses entreprises et transformera tôt ou tard les soins de santé. De plus, les avancées accélérées en biotechnologie sont en train d'instituer une nouvelle ère stimulante, mais ardue, de médecine de précision. Le Canada recèle des îlots de leadership en recherche, mais une seule petite province a pris des mesures en vue de mettre en œuvre les systèmes d'apprentissage requis pour faire de la médecine de précision une réalité clinique.

Parallèlement, selon les données des sondages, la majorité des Canadiens ne croit plus qu'une hausse des fonds opérationnels soit la solution principale aux lacunes perçues dans leurs systèmes de soins de santé.

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Sujets connexes

Secteurs critiques pour l'innovation dans les soins de santé

Compte tenu de tous les facteurs ci-dessus et conformément à son mandat, le Groupe a déterminé cinq domaines généraux où des mesures fédérales sont importantes pour favoriser l'innovation, et pour améliorer la qualité et la pérennité des soins de santé canadiens. Les voici :

  • La mobilisation et l'habilitation des patients;
  • L'intégration des systèmes de santé et la modernisation de l'effectif;
  • La transformation technologique au moyen de la santé numérique et la médecine de précision;
  • Une valeur accrue par l'approvisionnement, le remboursement et la réglementation;
  • L'industrie comme moteur économique et catalyseur de l'innovation.

Afin de formuler des recommandations à ces égards, le Groupe a d'abord examiné le rôle du gouvernement fédéral dans l'évolution des systèmes universels de soins de santé au Canada.

Le rôle évolutif du fédéral

Dans les années 1950 et 1960, les investissements fédéraux ont renforcé la capacité en soins de santé dans tout le Canada et, au moyen d'un partage conditionnel des coûts, ont incité les provinces et les territoires à adopter la couverture universelle des coûts hospitaliers et des services médicaux selon des modalités plus ou moins uniformes. Ces conditions ont été affaiblies par de nouvelles ententes de partage des coûts dans les années 1970, mais réaffirmées en 1984 lors de l'adoption de la Loi canadienne sur la santé.

Dès les années 1980 et de plus en plus jusqu'au milieu des années 1990, des gouvernements fédéraux successifs ont unilatéralement réduit les transferts aux provinces et aux territoires. La conjoncture fiscale s'est atténuée et depuis la fin des années 1990 jusqu'en 2004, Ottawa a sans cesse augmenté le financement des soins de santé. En vertu d'un accord, les nouveaux fonds ont été affectés dans le but d'atteindre des objectifs précis, quoique répartis en fonction de formules. La plus vaste des initiatives à cet égard a permis de transférer 3,2 milliards de dollars supplémentaires par an aux provinces et aux territoires. Certains progrès louables ont été réalisés, notamment la réduction des délais d'attente de certains services. Le Groupe est toutefois d'avis qu'en général, cette période et ces investissements n'ont mené ni à la modernisation de l'architecture des soins de santé canadiens, ni à un accroissement considérable de l'étendue de la couverture publique.

Le dernier « accord sur la santé » de même nature a engagé le gouvernement fédéral à réaliser des augmentations annuelles de 6 p.cent dans le Transfert canadien en matière de santé. En 2011, le gouvernement fédéral a unilatéralement déterminé qu'après l'expiration de l'accord de 2004 et à compter de 2017-2018, il allait réduire le taux annuel de croissance en fonction du taux de croissance du PIB ou à 3 p.cent par an, selon le taux le plus élevé.

Déjà confrontés à des pressions fiscales, les provinces et les territoires ont intensifié leurs mesures de limitation des coûts et ont répliqué avec des initiatives de collaboration, telles que l'achat groupé de produits pharmaceutiques sur ordonnance. Cependant, selon le Groupe, de tels efforts de première ligne et d'autres en vue d'améliorer les soins de santé et à en accroître la valeur sont en partie limités par un grave déficit de fonds de roulement et l'absence d'un cadre de personnel dédié, spécialisé et en mesure d'appuyer les efforts d'instauration et de déploiement à grande échelle d'améliorations dans les soins de santé partout au Canada.

Collaboration pour l'innovation dans les soins de santé : nouveau modèle, nouvel organisme, nouvel argent

Le Groupe comprend qu'il est difficile de maintenir une croissance composée de 6 p.cent du transfert fédéral dans la conjoncture fiscale. Il n'a recommandé aucun changement aux présents plans de transferts. Il a également rejeté un retour aux approches antérieures qui reposaient sur des priorités convenues unanimement et à des affectations de fonds selon des formules. À la place, après avoir examiné la portée et l'échelle du problème ainsi que les antécédents internationaux et nationaux, le Groupe recommande deux mesures habilitantes clés.

La première mesure habilitante consiste en une consolidation des mandats de trois organismes existants et l'expansion de la capacité afin de créer un nouveau vecteur de changement accéléré. À titre de référence, le Groupe l'a nommé l'Agence d'innovation des soins de santé du Canada (AISSC). Le choix des organismes existants qui seront inclus à l'AISSC est effectué en fonction, non pas de leur rendement, mais de l'aspect central de leur mission par rapport à l'objectif de transformer les soins de santé au Canada, de même que des gains synergétiques que l'on pourra réaliser par leur regroupement et par l'élargissement de leurs activités, le cas échéant. L'AISSC ferait, par conséquent, appel à l'effectif de la Fondation canadienne pour l'amélioration des services de santé et de l'Institut canadien pour la sécurité des patients, et après une période de transition pour la réalisation de projets en cours, à ceux d'Inforoute Santé du Canada.

La seconde mesure habilitante consiste en la mobilisation de fonds pour ce véhicule et à l'appui des provinces et des territoires alors qu'ils renforcent leurs systèmes respectifs de soins de santé au moyen de réformes fondamentales et qu'ils travaillent avec des intervenants en vue de déployer à grande échelle des innovations éprouvées. Ces fonds iraient à des « coalitions de volontaires » - soit des gouvernements, établissements, fournisseurs, patients, industries et innovateurs engagés de toute origine. Encore une fois à titre de référence, le Groupe l'a nommé le Fonds d'innovation pour les soins de santé (ci-après le Fonds, pour faire plus court).

À propos de la nouvelle Agence : Comme en témoignent sept organisations sanitaires pancanadiennes et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), une telle approche à l'appui de la collaboration nationale dans des domaines particuliers est employée depuis plus de 20 ans. Les IRSC sont les plus grandes de ces organisations, investissant annuellement plus de 1 milliard de dollars. Toutefois, elles ont pour mandat principal le financement de la recherche universitaire et leur mandat est à maintenir. Chacune des autres organisations a un axe particulier sur des éléments d'innovation et chacune peut se targuer de forces uniques. Toutefois, aucune n'a un mandat étendu pour favoriser l'innovation et aucune n'a l'envergure nécessaire pour assumer un tel rôle. Par contraste, l'AISSC en tant que nouvel organisme se consacrerait à stimuler le changement en temps réel, évaluer son incidence, et en conséquence, rejeter, réviser et réévaluer ou déployer à grande échelle les innovations résultantes.

L'AISSC devrait être un organisme indépendant, soutenu par le Fonds d'innovation pour les soins de santé. L'AISSC devrait être gouverné par un groupe de Canadiens éminents nommés en fonction du mérite uniquement et lié à un ou plusieurs comités consultatifs formés de représentants d'une variété d'intervenants dont les gouvernements provinciaux et territoriaux feraient partie. Sa structure organisationnelle devrait lui permettre d'assurer une surveillance et une orientation robustes et indépendantes pour tout un éventail de projets, dont ceux déployés d'un bout à l'autre du Canada, avec l'aide du Fonds d'innovationNote de bas de page 1.

À propos du nouveau Fonds : Les objectifs généraux du Fonds d'innovation pour les soins de santé consisteraient à apporter des changements durables et systémiques à la prestation des services de santé aux Canadiens. Ses objectifs généraux seraient les suivants : appuyer les initiatives à forte incidence proposées par les gouvernements et les intervenants, lever les obstacles structurels au changement et accélérer la propagation et le déploiement à grande échelle des innovations prometteuses. Il ne serait pas affecté en fonction d'une formule de transfert existante, pas plus que ses ressources ne seraient utilisées pour financer la prestation de services de soins de santé actuellement assurés par des régimes fédéraux, provinciaux et territoriaux. Les affectations seraient plutôt attribuées en fonction d'un rigoureux examen par rapport à des exigences transparentes, compte tenu notamment des résultats en matière de santé, de la création de la valeur économique et sociale, de la durabilité, de la faisabilité et d'un engagement des partenaires à maintenir les innovations dont le succès a été démontré.

Le Groupe recommande que les deux initiatives à cet égard soient mises en œuvre le plus tôt possible dans le cadre du mandat du gouvernement qui entrera en fonction après les élections d'octobre 2015. L'investissement du Fonds devrait augmenter au besoin, dans la perspective de l'atteinte d'une cible d'état stable de 1 milliard de dollars par an, idéalement dès 2020. L'Agence et le Fonds seraient d'importants vecteurs pour bon nombre des recommandations particulières adressées par le Groupe dans chacun des cinq domaines déterminés prioritaires pour l'innovation. À moins d'indication contraire, le Fonds et l'AISSC devraient être présumés responsables du côté fédéral dans ce qui suit.

Thème 1 : Mobilisation et habilitation des patients

Le Groupe a examiné les preuves d'un écart important entre la rhétorique des soins axés sur les patients et l'expérience de nombreux patients et familles dans les systèmes de soins de santé modernes. Il a également reçu les encouragements de nombreuses équipes, établissements et systèmes au Canada qui prennent des mesures positives pour rapprocher la rhétorique et la réalité. Sur le plan des systèmes et des sous-systèmes, le Groupe recommande la mise en œuvre de divers modèles de paiement et de responsabilisation articulés autour des besoins des patients plutôt qu'autour des flux de rentrées des fournisseurs et des établissements. Sur le plan des établissements ou des régions, la priorité doit être accordée à la mise en œuvre et au déploiement à grande échelle de nombreux programmes qui ont donné des résultats positifs en ce qui concerne les soins axés sur les patients et la participation des patients et des familles à la conception et à l'évaluation des programmes et des systèmes.

Le Groupe a également relevé un urgent besoin d'élaborer et de mettre en œuvre des outils d'information pour les patients dans deux domaines distincts : la promotion des connaissances en matière de soins et de soins de santé et le déploiement à grande échelle de pratiques exemplaires dans l'utilisation des portails pour les patients, en veillant à ce que les patients soient effectivement copropriétaires de leurs dossiers médicaux. La mobilisation des patients et la copropriété des dossiers médicaux seraient davantage facilitées par des solutions de santé mobiles et numériques qui permettent des soins virtuels et qui habilitent les patients, tout en respectant les normes communes et les exigences d'interopérabilité. Le rôle du gouvernement dans un tel milieu serait très différent par rapport à son rôle à l'époque où Inforoute a commencé à établir l'infrastructure d'information en 2001. Tel qu'il est souligné au thème 3, une transition dans les structures et les rôles est justifiée.

Thème 2 : Intégration des systèmes de santé à la modernisation de l'effectif

Le Groupe a constaté une importante symbiose entre un système intégré de soins de santé et un système novateur de soins de santé. Les régimes collectifs d'assurance-maladie aux États-Unis illustrent en quoi, même dans un contexte très difficile, les soins de santé intégrés offrent aux patients un meilleur accès, ainsi que des soins de qualité supérieure fournis par des équipes de professionnels multidisciplinaires, à des coûts en deçà des dépenses actuelles par habitant au Canada. Le soutien de la mise en œuvre et de l'amélioration itérative des démonstrations de soins de santé intégrés et des modèles de « paiements regroupés » doit donc être une grande priorité pour l'Agence et le Fonds. Dans la mesure du possible, des démonstrations intégrant les soins de santé intégrés et les services sociaux, ou qui représentent autrement des mesures incitatives particulières pour répondre à des besoins sociaux, à protéger et à promouvoir la santé ou à prévenir les maladies, devraient être mises en œuvre.

De tels changements dans le paiement et les responsabilités s'opèrent en synergie avec les changements dans les rôles et les responsabilités des professionnels. Les pratiques exemplaires en matière de soins interdisciplinaires devraient être déployées à grande échelle, avec un accent particulier sur les recommandations du rapport de l'Académie canadienne des sciences dans son rapport en 2014, Optimizing Scopes of Practice (l'optimisation des champs de pratique). Dans le même ordre d'idées, le Groupe recommande une initiative de collaboration nationale afin d'examiner les rôles, les responsabilités et la rémunération des professionnels de la santé relativement à la création de la valeur.

La priorité générale accordée aux soins plus intégrés a un poids supplémentaire dans le cadre des soins de santé des Autochtones. Un certain nombre de recommandations sont donc adressées directement à Santé Canada et à sa Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits à ce sujet. Parmi celles-ci, mentionnons la co-création d'un conseil sur la qualité des soins de santé des Premières Nations et d'un comité de liaison parallèle pour les représentants des Inuits, réunissant des représentants et des patients autochtones et des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux. L'expérimentation de nouveaux modèles de co-gouvernance des services de santé pour les Premières Nations est déjà en cours et le Groupe préconise l'étude continue de ces modèles ainsi qu'une évaluation soignée, toujours en s'assurant que les transferts de services correspondent aux ressources. Une gamme d'autres préoccupations ont également été citées comme domaines d'intervention. Elles comprennent entre autres une infrastructure de santé améliorée et des ressources humaines en santé pour les réserves, l'administration du Programme des services de santé non assurés et de son intégration aux systèmes provinciaux et territoriaux ainsi que la nécessité de nouveaux modèles de soins pour réduire les coûts et atténuer le fardeau des déplacements.

Thème 3 : Transformation technologique au moyen de la santé numérique et la médecine de précision

Une troisième priorité en matière d'innovation consiste à tirer profit des évolutions intéressantes en cours dans le développement et l'application des données et des connaissances sur la santé.

À propos des données sur la santé et des dossiers médicaux électroniques : Le développement de l'infostructure prend de l'élan au Canada alors que les dossiers médicaux électroniques connaissent une adoption plus large. Toutefois, le Canada accuse du retard à bien des égards, dont l'utilisation concrète de ces ressources numériques, l'accès sûr aux dossiers des patients par des utilisateurs autorisés afin d'assurer des soins sécuritaires et uniformes, l'accès numérique à leurs propres dossiers par les patients, la création d'applications de soins virtuels et l'atteinte d'une interopérabilité et d'une normalisation suffisantes des données, permettant une utilisation plus efficace de toutes ces données en vue de mesurer le rendement et de réaliser des analyses poussées. Le Groupe a recommandé des mesures à ces égards.

Comme il a été mentionné précédemment, le Groupe envisage la continuation à court terme d'Inforoute Santé du Canada, avec du financement provisoire qui lui permettra de terminer les projets en cours. Ainsi, à mesure que le programme fait la transition d'infostructure à l'adoption et aux applications, Inforoute se fusionnerait à l'AISSC et tout financement supplémentaire pour ses partenariats proviendrait du Fonds.

L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) serait soutenu afin d'assurer une plus grande transparence en matière de soins de santé au Canada et de mener des efforts en vue de « données ouvertes ». L'ICIS serait également tenu de réaliser une collecte plus intensive de données sur trois plans : les 30 p.cent des dépenses en santé qui proviennent de sources privées, les services de santé et la santé des Premières Nations, le travail en partenariat avec le conseil sur la qualité des soins de santé des Premières Nations et les mesures visant des résultats centrés sur les patients. L'ICIS et la nouvelle Agence feraient équipe avec les provinces et les territoires afin d'élaborer des données appropriées à l'appui des modèles de livraison intégrés, dont différentes formes de paiements regroupés. Enfin, l'ICIS devrait assurer une plus grande diffusion de l'information qu'il recueille à une variété de publics cibles, plus particulièrement le grand public.

À propos de la médecine de précision : L'élaboration rapide de biomarqueurs complexes perturbe la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies, redéfinissant ainsi les maladies existantes et les pronostics connexes. Le Canada possède de nombreuses forces en médecine de précision et une stratégie de recherche naissante est menée par les IRSC. Toutefois, une stratégie d'innovation nationale brille par son absence, c'est-à-dire la mise en œuvre de tels concepts dans les soins de première ligne. Par exemple, le Groupe a constaté des possibilités considérables d'amélioration et d'utilisation des médicaments d'ordonnance par l'application de telles méthodes, mais une adoption limitée. Les recommandations du Groupe visent à ce que les diverses populations et les systèmes multiples de soins de santé à un payeur unique soient mobilisés à notre avantage national. Il est particulièrement important de créer et de commencer à suivre une feuille de route en vue de s'assurer que les données sur les soins de santé et la technologie des communications appuient ces modèles à grand volume de données et les innovations à cycle rapide qui caractérisent la médecine de précision en tant que discipline. Le Groupe a également demandé le déploiement à grande échelle des modèles de soins dans les sous-domaines de la médecine de précision qui sont relativement plus évolués, comme la pharmacogénomique ainsi que le diagnostic et le traitement du cancer. Selon le Groupe, il existe un potentiel substantiel de commercialisation de concepts et d'outils canadiens dans le domaine de la médecine de précision, pourvu qu'une stratégie agile de mise en œuvre puisse être lancée tel qu'il a été recommandé.

Thème 4 : Une valeur accrue par l'approvisionnement, le remboursement et la réglementation

Comme il a été mentionné, le Canada accuse un retard par rapport à de nombreux pays semblables sur le plan de la rentabilité dans les soins de santé. Le Groupe a conclu que des changements dans le financement, l'approvisionnement, et la réglementation en matière de soins de santé pourraient accroître la valeur pour les Canadiens dans des domaines tels que les médicaments d'ordonnance, les services médicaux et les technologies médicales. La plupart des recommandations connexes s'adressent à Santé Canada ou à des organismes fédéraux existants.

Les produits pharmaceutiques sont apparus comme une préoccupation particulière, vu les fortes dépenses par habitant au Canada, son statut marginal comme pays doté de programmes de soins de santé universels, mais dont la couverture des médicaments d'ordonnance est inéquitable et inégale, et les pressions liées aux coûts découlant des nouveaux composés biologiques. Le Groupe appuie fortement le principe selon lequel chaque Canadien devrait pouvoir se permettre les médicaments nécessaires, mais il voit des améliorations considérables dans la fixation des prix comme une mesure préalable prudente à l'élargissement de la couverture. De plus, le Groupe est préoccupé qu'en l'absence d'intégration et d'harmonisation des mesures incitatives, un nouveau poste de dépense cloisonné pour les produits pharmaceutiques n'aura pas les effets de contrôle des coûts escomptés est une préoccupation du Groupe. À cette fin, il a recommandé que les régimes fédéraux existants d'assurance-médicaments réaffirment leur intention de se joindre à l'alliance pharmaceutique pancanadienne du Conseil de la fédération et que l'AISSC offre d'agir à titre de secrétariat, en plus d'envisager des stratégies pour étendre la portée de cette alliance aux régimes privés d'assurances.

Par contraste à la pratique industrielle actuelle de ristournes confidentielles, le Groupe favorise une initiative nationale à la transparence totale des prix nets payés, de sorte que tous les intervenants aient suffisamment d'information pour faire des choix éclairés. De même, le prix élevé des produits pharmaceutiques et le passage à un approvisionnement collectif suggèrent tous deux la nécessité d'un examen des politiques et des pratiques du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés.

Enfin, le Groupe a observé que certaines technologies et pratiques efficaces se diffusent lentement, alors que les technologies et les pratiques obsolètes persistent. Il a recommandé à cette fin du financement pour la campagne Choisir avec soin et une évaluation soignée de son incidence.

Thème 5 : L'industrie comme moteur économique et catalyseur de l'innovation

D'autres pays adoptent des politiques conçues pour entretenir une industrie nationale des soins de santé et pour restructurer les interactions avec des entreprises multinationales qui fournissent des biens et des services de soins de santé. La motivation sous-jacente est évidente : les soins de santé financés par l'État constituent invariablement un programme social précieux, mais peuvent également contribuer au développement économique. L'examen du Groupe a révélé que le Canada accuse du retard par rapport à d'autres pays comme le Danemark et le Royaume-Uni pour ce qui est des politiques et des processus d'une telle nature. Pour les médicaments et les services en particulier, les cadres réglementaires et les marchés du Canada sont caractérisés par la fragmentation, le chevauchement et des incohérences.

Le Groupe a donc recommandé un certain nombre de changements, dont la création d'un Bureau d'accélération des innovations des soins de santé, au sein de l'AISSC, axé sur l'accélération de l'adoption de technologies potentiellement perturbatrices qui garantissent de façon anticipée une rentabilité pour le système et un avantage pour les patients. L'AISSC devrait également soutenir l'expansion et le déploiement à grande échelle des processus d'approvisionnement améliorés, p. ex. les approches fondées sur la valeur et des pratiques exemplaires telles que le processus de dialogue concurrentiel employé par l'Union européenne et MaRS EXCITE.

Certaines des recommandations du récent Examen du soutien fédéral à la R-D (2010) auront besoin d'adaptations sur mesure pour les entreprises de soins de santé, mais elles sont d'une grande pertinence pour les entreprises canadiennes dans le domaine de la santé, particulièrement les petites et les moyennes entreprises. À cet égard et d'après les observations tirées de l'examen de 2010, Santé Canada devrait travailler en collaboration avec une gamme d'intervenants à l'intérieur comme à l'extérieur du gouvernement fédéral afin d'élaborer une stratégie pangouvernementale qui appuierait la croissance des entreprises commerciales canadiennes dans le domaine des soins de santé.

Dans les chapitres traitant des thèmes 4 et 5, le Groupe recommande un certain nombre d'améliorations aux mécanismes d'évaluation et de réglementation des médicaments et des appareils, ciblant de différentes façons Santé Canada et sa Direction générale des produits de santé et des aliments et l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS). Sous le thème 5, le Groupe attire tout particulièrement l'attention sur les améliorations réglementaires susceptibles de réduire le chevauchement et de permettre une qualité supérieure ainsi que des examens plus rapides, sans compromettre les normes actuelles au Canada relativement à l'innocuité des médicaments et des appareils.

Consensus et équité à mesure qu'évoluent les soins de santé

Un rôle fédéral dans l'établissement d'un consensus : Bien des recommandations du Groupe ont des conséquences multiples. Par exemple, un système de soins de santé plus intégré est plus susceptible d'engendrer une expérience centrée sur le patient qu'un système dans lequel les patients et les familles composent avec des soins mal coordonnés, caractérisés par une couverture inégale et une communication incomplète des dossiers médicaux. Dans le même ordre d'idées, de nombreuses recommandations interreliées du rapport visent à habiliter l'innovation par l'établissement d'un consensus, avec ou sans mesure législative ou réglementaire connexe. Elles sont réunies et résumées ici.

L'innovation technologique et sociale dans les soins de santé a déjà occasionné une variété d'enjeux éthiques et juridiques. Le Groupe recommande que Santé Canada, en partenariat avec la nouvelle Agence, prenne la tête de la consultation et de l'établissement de consensus entre les provinces et les territoires afin de prévoir ces enjeux et de résoudre les ambiguïtés législatives au besoin. Parmi les points de pression, citons l'aide médicale à mourir et la discrimination génétique. Il faut toutefois aussi arriver à un consensus national sur la protection de la vie privée des patients tout en habilitant l'innovation (p. ex. dans la médecine de précision et la génomique, la santé mobile et diverses formes de dossiers médicaux numérisés). Dans cet ordre d'idées, le Groupe a été frappé par la confusion continue, et le potentiel d'incohérences d'une administration à l'autre, quant à la question de l'accès des patients à leurs propres dossiers médicaux et de la copropriété de ces dossiers. Enfin et surtout, dans une ère où les données ouvertes et les mégadonnées sont perçues comme des catalyseurs jumelés de l'innovation axée sur les données, les gouvernements et les organismes de recherche au Canada ont manqué de forger un consensus sur la façon dont le partage à grande échelle de données bien anonymisées sur la santé peut se faire en toute sécurité dans les administrations et entre elles. Comme il a été dit, voilà qui est crucial pour l'innovation rapide dans le domaine de la médecine de précision, mais aussi pour améliorer la recherche en santé appliquée et l'innovation axée sur les données dans les systèmes de prestation des soins de santé du Canada.

Équité financière en période de transition : La proportion totale de dépenses privées en soins de santé au Canada est plus ou moins stable à 30 p.cent depuis la fin des années 1990, mais les coûts directs sont relativement à la hausse. Voilà qui est associée à un fardeau inéquitable pesant sur les Canadiens à faible revenu. La répartition inégale de ce fardeau sera aussi exacerbée par la population vieillissante, étant donné qu'environ 6 milliards de dollars ont été dépensés en coûts directs pour des soins de santé de longue durée et encore des milliards de dollars pour d'autres fournitures et services utilisés à un taux bien supérieur par les personnes âgées.

Dans sa recommandation de modifications à la politique fiscale en vue de l'équité, le Groupe insiste sur le fait qu'il s'agit de mesures de transition : elles n'ont pas pour but de nier le besoin d'atteindre la couverture universelle des médicaments d'ordonnance ni d'adopter de nouveaux modèles de prestation susceptibles de permettre l'expansion rentable de la couverture publique.

À cet égard, la recommandation fondamentale du Groupe consiste en un crédit d'impôt de santé remboursable (CISR) en fonction du revenu. Le CISR remplacerait le supplément existant et, comme ce supplément, s'appliquerait de concert avec le crédit d'impôt pour frais médicaux existant. Le CISR apporterait un allégement fiscal de 25 p.cent sur les coûts admissibles de soins de santé directs jusqu'à concurrence de 3 000 $ par année, dès le premier dollar versé en dépenses admissibles. Les autres dépenses seraient à demander à titre du crédit d'impôt pour frais médicaux existant. Les provinces auraient l'option d'adopter le nouveau crédit dans leurs régimes fiscaux, augmentant ainsi potentiellement la valeur du crédit de manière considérable.

Les recommandations connexes portent sur la façon dont l'administration du CISR devrait être structurée afin d'alléger le fardeau des coûts de santé directs pour les personnes et les familles à revenu modeste. Qui plus est, le coût de ce crédit serait pleinement compensé par l'annulation du supplément existant et, de façon plus importante, par l'imposition des primes versées par l'employeur pour les régimes de santé et de soins dentaires offerts par l'employeur. La dépense serait toutefois considérée comme une dépense médicale admissible sous le régime du nouveau CISR ou du CIFM, ce qui veut dire que les employés pourraient l'inclure dans leurs déclarations de revenus. Le Groupe est de l'avis que de telles mesures, prises globalement, permettent d'accroître l'équité parmi les contribuables et d'atténuer le fardeau injuste et croissant des coûts de soins de santé directs pesant sur les Canadiens à revenu modeste.

Remarques conclusives

L'ensemble de programmes universels d'assurance-maladie continue d'offrir des services essentiels à des millions de Canadiens et demeure le programme social le plus emblématique. Toutefois, l'assurance-maladie vieillit mal. Le Groupe n'a plus aucun doute sur le fait qu'une modernisation importante du système s'impose depuis longtemps et qu'une telle modernisation est à la fois accablée et déroutée par l'incapacité des gouvernements canadiens (fédéral, provinciaux et territoriaux) à unir leurs forces et à prendre des mesures collectives quant aux recommandations faites par bon nombre de commissions, examens, groupes et experts.

Au début de l'examen actuel, les membres du Groupe ont senti que certains intervenants s'attendaient à un exercice quasi commercial du genre « Dans l'œil du dragon », soit la détermination nette de cinq solutions rapides ou grandes tendances, pleins feux sur quelques solutions conçues au Canada offertes par des équipes entreprenantes dans les secteurs privé ou public et certaines mesures palliatives stratégiques qui justifieraient la mise en veilleuse des soins de santé sur le plan fédéral. Les membres du Groupe, dont le regretté Dr Cy Frank, croyaient au contraire que leur mandat pouvait seulement se réaliser par l'adoption d'une perspective très large des innovations dans les soins de santé.

À cette fin, les hauts fonctionnaires de Santé Canada ont appuyé sans relâche les membres du Groupe dans leur travail et ont pris avec aplomb le fait que certaines constatations du Groupe puissent jeter un œil critique sur le ministère comme tel. Pour sa part, la ministre Rona Ambrose respecte minutieusement l'indépendance du Groupe. Le Groupe ajouterait qu'en montrant un excellent exemple, la ministre illustre le rôle positif et facilitateur que le leadership fédéral peut jouer dans les soins de santé canadiens. Il convient toutefois de répéter qu'il ne faut pas présumer qu'un agent élu ou nommé, de quelque gouvernement que ce soit et dont le gouvernement du Canada n'est pas le moindre, approuve l'une ou l'autre des interprétations, opinions ou recommandations avancées dans le rapport.

En conclusion, le Groupe réitère que par la prise de mesures fédérales audacieuses et au moyen d'investissements prudents dans un esprit de collaboration renouvelé et de volonté politique commune de la part de toutes les administrations, les systèmes de soins de santé canadiens peuvent changer de cap. Ce qui a, par conséquent, été proposé dans le rapport est particulièrement conçu pour amener le Canada vers un modèle différent de participation fédérale aux soins de santé - un modèle qui dépend d'un esprit de partenariat et d'un engagement commun pour déployer les innovations existantes et apporter des changements fondamentaux aux mesures incitatives, à la culture, à la responsabilisation et aux systèmes d'information. Le Groupe ne prétend pas que ce modèle constitue un remède immédiat aux maux dans les soins de santé au Canada. Cependant, nous sommes très confiants en la possibilité qu'une action concertée fondée sur nos recommandations puisse faire, et fera, une différence considérable qui sera vue et ressentie dans l'ensemble du Canada d'ici 2025. Avec une collaboration accrue dans l'ensemble des ordres de gouvernement et des intervenants du système de soins de santé, rien n'empêche le Canada de retrouver la position de chef de fil international en matière de soins de santé qui faisait autrefois sa fierté. Nous encourageons les Canadiens n'accepter rien de moins.

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